Le   marché   des   semi-conducteurs   s’installe   dans   une croissance forte et durable. Le   comprendre   et   bien   connaitre ce qui  l’influence permet de mieux anticiper les défis de sa supply chain.

La pénurie de composants électroniques est un phénomène récurrent bien connu. Il est évidemment dû à une différence entre offre et demande.

Dans les années 90, la demande dépendait principalement des cycles économiques, elle est désormais étroitement liée aux marchés portés par les nouvelles technologies.

A cette variation de demande, on doit ajouter celle de l’offre qui peut subir des ruptures accidentelles de production (incendie, pannes électriques, incident climatiques, épidémies…).

Alors que dans les années 90, on observait l’apparition de pénuries tous les 5 à 8 ans, celles-ci surviennent désormais tous les deux à trois ans.

Principale responsable ; la mondialisation qui a eu un effet de concentration des moyens de production touchant l’offre ; et aussi de synchronisation des marchés touchant cette fois-ci la demande par le cumul simultané des besoins.

Une fonderie de semi-conducteurs, c’est quoi ?

Pour mieux comprendre la pénurie touchant les semi-conducteurs, il faut remonter la chaine de valeur jusqu’aux fonderies ; usines produisant la puce.

C’est là que se constitue la partie active du composant.

Nous sommes tous de plus en plus utilisateurs d’électronique. L’usage des téléphones, PC, tablettes, TV, automobiles… nous est naturel, voire désormais essentiel. Pourtant, beaucoup d’entre nous sommes loin d’imaginer la complexité de production d’un composant électronique. Je me risque à vous en donner une idée en vulgarisant ci-dessous quelques notions de référence.

Le composant semi-conducteur est issu de la transformation d’un barreau de Silicium.

– Ce barreau jusqu’à 300mm de diamètre est tronçonné en galettes de 0.2 mm d’épaisseur (wafer).

– C’est sur ce wafer que l’on construit les transistors qui composeront les puces.

– Ces derniers sont réalisés par un nombre très élevé d’opération (oxydation, dépôt, diffusion, gravure, lithographie…).

– Les opérations sont réalisées sous ultra vide, en salle blanche. 

– Plus la gravure est fine, plus le nombre de transistors par mm² est élevé.

– Plus la gravure est fine, plus le composant est puissant et moins il consomme. 

– Ces opérations peuvent être répétées plus de 1.400 fois pour en créer autant de couches.

– Une grande quantité de circuits est tirée d’un même wafer, selon leurs tailles.

– Le wafer est donc découpé en puce (die) qui seront intégrées dans un boitier.

– On soude alors la puce aux plots de connexion, pates ou billes par des fils de bonding.

– Ces circuits intégrés constituent le cœur de nos processeurs et mémoires.

– La technologie récente s’appuie sur une gravure de 5nm (1 nanomètre = 1 milliardième de mètre). 

A titre comparatif, le diamètre d’un cheveu fin est de 50.000 nm.

– Ainsi, le processeur de L’Iphone 5S était produit en 2013 sur une techno de 28 nm et possédait 1 milliard de transistors.- Le processeur de l’Iphone 12 actuellement produit par TSMC repose sur une technologie de 5nm et possède près de 12 Milliard de transistors. 

– Samsung et TSMC annoncent 2nm pour fin 2022, IBM annonce qu’il a déjà produit un circuit à 1nm.

– Cette course technologique impose aux fonderies un renouvellement de plus en plus rapide de leurs outils de production qui sont par ailleurs de plus en plus pointus.

 Ainsi, les capacités de production représentant des investissements colossaux sont naturellement dimensionnées pour répondre au plus juste à la demande.

Les augmentations de capacité sont longues à mettre en œuvre. La construction d’une usine prend plusieurs années alors que l’accélération de la demande peut se faire en quelques mois. On observe alors un effet de délais en « accordéon » dont la fréquence correspond à la rapidité d’augmentation de demande.

Les chiffres des fonderies de semi-conducteurs pour 2021 et plus

Selon TrendForce, l'activité de fonderie de semi-conducteurs a réalisé un chiffre d'affaires encore jamais atteint.

Les revenus mondiaux du top 10 ont dépassé les 24 milliards de dollars au deuxième   trimestre   de   cette   année,   établissant   un   nouveau   record.   Celareprésente une croissance de plus de 6 % d’un trimestre sur l’autre.

 

Bien que TSMC indique avoir une croissance freinée par des pannes électriques et par des absences de personnel dues au Covid (3.1%), l’augmentation de son chiffre d’affaires de 400M$ les distance encore un peu plus des suivants.

 

Cependant, les défis politiques pourraient bien affaiblir sérieusement le taïwanais.

 

TSMC dépend, en effet fortement, des états unis (conception, produits, matériaux…). TSMC est par ailleurs tenu de respecter la réglementation américaine qui interdit le commerce de composants électroniques avec certaines activités ou groupes chinois. Huawei ciblé par cette réglementation se trouve être le client N°2 de TSMC.

 

TSMC dépend également fortement de la Chine qui représente 60% des ventes des entreprise taïwanaises.

Ainsi, américains et chinois investissent afin de reprendre la maitrise, ou tout du moins, limiter leur dépendance.

Investissements en cours et tendances à venir :

Concernant les tendances d’approvisionnement, les pénuries ayant débuté au second semestre 2019 se sont maintenues voire intensifiées pendant près de 2 années. Bien que les capacités nouvellement mises en production soient devenues progressivement disponibles, celles-ci n’ont pas été suffisamment conséquentes pour montrer un début d’amélioration.

 

Selon Paul Boudre, le directeur général de Soitec, la situation de pénurie pourrait durer encore 6 à 9 trimestres, soit une amélioration possible au second trimestre 2023 jusqu’à début 2024.

 

Le PDG de Daimler confirme en indiquant qu’il faudra attendre 2023 pour résoudre cette crise.

 

Carlos Tavares, le directeur général de Stellantis, déclare : « la crise des semi-conducteurs, d’après tout ce que je vois, et je ne suis pas sûr de pouvoir tout voir, va facilement se prolonger en 2022, parce que je ne vois pas assez de signes indiquant que la production supplémentaire en provenance des sources d’approvisionnement en Asie atteindra l’Occident dans un avenir proche ».

 

Le   groupe   bancaire   Suisse   estime   également   que  « la   pénurie   des   semi-conducteurs pourrait durer plus longtemps que prévu pour de multiples raisons »,notamment parce que les mesures annoncées par les grands fondeurs pour répondre à la demande prendront du temps à être effectives.

 

En effet, les investissements des fondeurs favorisent les capacités de production dernières génération à gravure les plus fines. La production des composants plustraditionnels   n’en   verra   donc   pas   d’effet   rapidement.   En   outre,  l’industrie électronique connait bien le cycle d’offre et demande. Les fondeurs savent qu’il y aura retournement et n’investiront pas trop vite sur des technologies à croissances modestes par crainte de se retrouver en sur capacité.

Une continuité de la hausse des prix attendue

Counterpoint research qui prévoit une amélioration de la situation pour les mémoires (NAND et DRAM) dès fin 2021 confirme que les autres produits basés sur   des   technologies   plus   matures   ne   retrouveront   pas   un   équilibre   offre / demande avant mi-2023.

La société experte en analyse de marché publie les augmentations de prix attendus 2020 à 2022 de wafers par technologie. Elle confirme le rapport étroit entre la technologie et les augmentations de prix déjà soumis et attendus.

A noter que ces tendances de prix ne concernent que les wafers. Elles ne tiennent   pas   compte   des   stratégies de   prix   des   fabricants   et   de   leurs distributeurs.

Les plans d’état sont à horizon 2030

Les Etats-Unis dont la part de fabrication mondiale de semi-conducteurs est passée de 37% en 1990 à 12% aujourd’hui ont annoncé des investissements importants. Joe Biden promet un investissement de 52Md de dollars permettant la création de 7 à 10 fonderies.

L’Europe qui ne dispose que de fonderie de gravure supérieure à 20nm et qui est consciente des investissements colossaux nécessaires proposent une alliance aux industriels européens. Pour elle, « 20% des plans européens de relance devraient être consacrés à ces investissements, soit 145 milliards d’euros. » A noter que ST a d’ores et déjà décliné l’invitation précisant que ses produits ne nécessitent pas l’usage des technologies ciblées.

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